
- Pouvez-vous vous présenter ? Qui est Stéphane Poirier ?
Petite bio
Stéphane Poirier est un artiste pluridisciplinaire né en périphérie parisienne, régulièrement publié dans des revues pour ses nouvelles, poèmes et photographies, et primé à plusieurs concours de nouvelles. Ainsi que l’auteur d’une pièce radiophonique diffusée sur France Inter dans l’émission Nuit noire/Nuit Blanche.
Lauréat du Prix Jean Anglade, son premier roman ROUQUINE a vu le jour en 2021 aux Presses de la Cité, et en raison d’un beau succès, a fait l’objet d’une parution en livre de poche chez Pocket en octobre 2022.
Dans son travail, il aime « le mot simple » et l’image honnête. Il mêle habilement réalisme et onirisme en préférant toujours l’émotion à la cérébralité.
Ses histoires, souvent empreintes d’un humour décalé, par leur impact social et l’empathie dont il fait preuve à l’égard de ses personnages, ne sont pas sans évoquer l’univers cinématographique de Ken Loach. Les petits boulots, la débrouille, et les périodes de chômage ourlées d’états borderline, avec toujours cette soif de vivre et ce besoin d’amour. Mais chez Stéphane Poirier, les intrigues font écho à l’œuvre de David Lynch, récits flottants dans des nappes de brouillard où le lecteur nage dans le mystère.
Après cette petite bio, je dirais juste que je suis quelqu’un de simple, qui cherche seulement à comprendre le monde dans lequel je vis, de ne pas y sombrer, et d’y apporter, très modestement, ma contribution. Pour plagier maladroitement Vincent Van Gogh qui disait qu’il ne prétendait pas être un grand peintre, mais que c’était encore ce qu’il faisait de mieux, n’étant pas très doué pour les rapports sociaux… et bien, je me sens un peu comme lui.
- Qui est l’homme derrière l’auteur ? Quand et comment en êtes-vous arrivé à écrire ? Est-ce votre seul « métier » ?
L’écriture a toujours été dans ma vie, mais par le biais de la chanson, lorsqu’ados, on avait fait un groupe de musique avec des potes… de là, sont nés les premiers textes.
Puis l’écriture de nouvelles et de romans est venue plus tard. À la fac de lettres, un prof jugé dur et même parfois « cruel » nous avait demandé d’écrire une nouvelle, et surprise, j’ai été gratifié d’une excellente note, avec ce petit commentaire. On dirait du Marguerite Duras. Et là, j’étais cuit, l’écriture est devenue une drogue… et je crois qu’il est un peu tard pour moi pour faire une cure de désintox.
Pour les boulots, j’ai passé dix ans dans l’Éducation Nationale, puis documentaliste ou encore bibliothécaire… Des CDD, et encore des CDD. Et aujourd’hui, c’est un secret… mais j’ai emprunté une autre voie.
- Vous êtes l’heureux gagnant du Prix Anglade avec « Rouquine ». Premièrement, félicitations ! Ensuite, qu’a changé pour vous cette récompense ?
Merci Chères Axelle et Fred. Ce prix a chamboulé pas mal de choses. Après trente ans d’envois et de refus de mes romans auprès des maisons d’édition, ça a été une réelle surprise, et un bonheur d’être enfin lu. En fait, l’écriture est pour moi un moyen de communication, d’approcher et de rencontrer des personnes qui n’auraient pas forcément croisé ma route. Et j’espère apporter à mes lectrices et lecteurs ces voix qui m’ont si souvent réchauffés dans les livres que j’ai lus. Les livres sont pour moi à chaque fois une rencontre humaine, une personne qui donne et partage son cœur, et j’espère apporter cette bouffée d’air à d’autres. Grâce à ce roman, j’ai fait de belles rencontres, et j’espère qu’il y en aura d’autres. J’ai aussi découvert un aspect moins glorieux de la nature humaine, la jalousie… Mais là, ce n’est pas mon problème, seulement celui des personnes en guerre avec elles-mêmes et le monde.
Notre chronique : Rouquine de Stéphane POIRIER
- Que représente « Rouquine » pour vous ? Une femme que vous avait connu ? La femme idéale dans sa fragilité et détermination ? La femme moderne ou la femme rêvée ? Quelqu’un en particulier ou au contraire personne ? Quel est le message derrière la « rouquine » ?
Le personnage de Lilou m’a été inspiré par un documentaire de Mireille Darc, dans l’émission Infrarouge sur les femmes SDF. Bien sûr, j’ai été touché par toutes ces femmes en perdition, mais hélas, pour la grande majorité, on comprenait que si elles sortaient de la rue, effacer ces années de souffrance serait impossible. Mais il y avait une exception, une jeune femme de 23 ans au moment du reportage, Caroline, SDF depuis 5 ans. Cette jeune femme m’a marqué par sa pureté. Il n’y avait aucune amertume chez elle. C’est un être pur et pour Caroline, j’ai tout de suite su qu’il y avait une possibilité de relancer les dés et d’atteindre le bonheur, ou du moins, une version plus modeste, mais aussi plus durable : la sérénité. De là est né le personnage de Lilou. Une accidentée de la vie à qui « Dieu » fait une fleur en lui offrant une seconde chance.
Lilou n’est ni la femme rêvée, ni la femme fantasmée. Elle est belle, car simplement humaine. Sa plus belle qualité est la générosité et la pureté, mais aussi sa soif de vivre, malgré tous les fantômes qu’elle a dans la tête. En fait avec Monty, ce sont des malchanceux, des êtres maladroits, trop purs pour être heureux dans ce monde, dont la maxime pourrait être « je consomme, donc je suis ». Quand j’avais vingt ans, nos modèles étaient l’art et la philosophie. Aujourd’hui, c’est le libéralisme (petit frère du capitalisme), et le règne de l’égo au détriment de la solidarité. Ce constat peut paraître bien sombre, et n’est pas tout à fait juste. C’est seulement une tendance, qui Dieu merci, est contrée par d’énormes élans de générosité, et des personnes qui, au jour le jour, embellissent le monde.

- Comment se déroule une journée chez Stéphane Poirier ? Vous êtes-vous astreint à un planning pour écrire ou au contraire, vous laissez libre cours à votre inspiration ?
Bonne question. J’écris tous les jours. Sur papier, sur un bloc à carreaux avec de la musique dans les oreilles, du néo-classique, avec des artistes comme Olafur Arnalds, Joep Beving, Vitaly Beskrovny, Mark Deeks, Richard Anthony Jay, Mike Lazarev, Adian Lane ou encore Library Tapes. Et bien d’autres. Et pour être sincère, je crois que le mérite des images poétiques relevées dans mon roman leur revient. Ce sont eux qui m’ont offert cette magie.
Après une bonne ou une mauvaise nuit de sommeil, je recopie sur le PC le lendemain matin en corrigeant, peaufinant, cirant les surfaces ternes… C’est un travail de longue haleine, un bateau dont il ne faut pas lâcher la barre au risque d’un naufrage. Je pars généralement avec une idée de départ, mais pas forcément de plan établi. La vie se construit au fil des jours… dans les romans comme dans l’existence.
- Nous préparez-vous un nouvel ouvrage ? En fait, deux romans sont prêts.
Le premier s’appelle « Dognapping », qui est à la littérature ce que des films comme The Full Monty, The van, ou encore, Moi, Daniel Blake sont au cinéma.
Quant au second, je l’ai baptisé « Béni soit l’orage ». C’est l’histoire d’une communauté frappée par la sécheresse, avec un tueur en série « bon samaritain » et des personnages qui rêvent d’un avenir meilleur, avec des tas d’anecdotes et de rebondissements, dans l’optique d’auteurs tels que Michael Farris Smith, Alan Heathcock ou encore David Joy.
Reste à trouver la bonne maison d’édition pour défendre ces romans.
- C’est maintenant le moment aufildesmots : racontez-nous une blague !
- Je ne suis pas très doué pour les blagues, donc je vais botter en touche avec une citation : « L’art est un sale boulot, mais quelqu’un doit bien le faire ».
Un grand merci à vous.
Merci à vous Axelle et Fred.
Nous vous souhaitons bonne continuation et n’hésiterons pas à vous suivre.
Propos recueillis par Fred et Axelle GEORGES.